mercredi 23 septembre 2009

premier chapitre de WOMEN de Charles Bukowski



MERDE J'AI ENCORE LA DEPRIME
ALLEZ UN PEU DE BUKOWSKI
C'EST A LIRE
PAS A VIVRE


"J'avais cinquante ans et n'avais pas couché avec une femme depuis quatre ans. Je n'avais pas d'amies femmes. Je les regardais quand j'en croisais une dans la rue ou ailleurs, mais je les regardais sans désir, avec une impression de futilité. Je me masturbais régulièrement, mais l'idée d'entretenir une relation avec une femme - même sans rapports sexuels - dépassait mon imagination. J'avais une petite fille de six ans, née hors mariage. Elle vivait avec sa mère, à qui je versais une pension alimentaire. Je m'étais marié des années auparavant, à trente-cinq ans. Mon mariage avait duré deux ans et demi. C'est ma femme qui avait demandé le divorce. Je n'avais été amoureux qu'une seule fois. Elle était morte d'une cirrhose. Morte à quarante-huit ans, alors que j'en avais trente-huit. Ma femme avait douze ans de moins que moi. Je pense qu'elle aussi est morte maintenant, mais je n'en suis pas sûr. Pendant les six années qui ont suivi le divorce, elle m'a écrit une longue lettre à chaque Noël. Je ne lui ai jamais répondu...

Je ne me souviens plus très bien quand je vis Lydia Vance pour la première fois. C'était il y a six ans environ, je venais de plaquer mon boulot de postier, que j'exerçais depuis douze ans, pour essayer de devenir écrivain. J'étais terrifié et buvais plus que jamais. Je me battais avec mon premier roman. Chaque nuit, en écrivant, je descendais une demi-bouteille de whisky et deux packs de six bières. Je fumais des cigares bon marché, tapais à la machine, picolais et écoutais de la musique classique à la radio jusqu'à l'aube. Je m'étais fixé un objectif de dix pages par nuit, mais je ne savais jamais avant le lendemain combien de pages j'avais noircies. Au petit matin, je me levais de ma chaise, allais vomir, puis retournais dans la pièce de devant pour compter les pages étalées sur le divan. Je dépassais toujours les dix. Parfois, il y en avait 17, 18, 13 ou 25. Naturellement, il fallait dégrossir ou même jeter le travail de chaque nuit. J'ai écrit mon premier roman en vingt et une nuits.
Les propriétaires de l'appartement où je vivais à l'époque, qui habitaient au fond de la cour, me prenaient pour un cinglé. Chaque matin, à mon réveil, je découvrais un grand sac en papier brun posé devant ma porte. Le contenu changeait parfois, mais d'habitude c'étaient des tomates, des radis, des oranges, des oignons verts, des boîtes de soupe, des oignons rouges. De temps en temps, je buvais de la bière avec eux jusqu'à quatre ou cinq heures du matin. D'habitude, le vieux disparaissait et la vieille et moi en profitions pour nous tenir les mains ; je l'embrassais même parfois, mais je lui en donnais toujours un gros avant de partir. Son visage était terriblement ridé, mais elle n'y pouvait rien. Elle était catholique et très mignonne quand elle mettait son chapeau rose pour aller à l'église le dimanche matin.

Je crois que j'ai rencontré Lydia Vance à ma première lecture de poésie. Ça se passait dans une librairie de Kenmore Ave., " Le Pont-levis ". Une fois encore, j'étais terrifié. Génial, mais terrifié. Quand j'entrai, il n'y avait plus une place de libre. Peter, qui s'occupait de la librairie et vivait avec une Noire, avait une pile de billets devant lui. " Merde, me dit-il, s'il y avait autant de monde chaque soir, j'aurais assez d'argent pour repartir en Inde ! " J'entrai et ils commencèrent à applaudir. Pour ce qui est des lectures de poésie, j'allais vraiment casser la baraque.
Je lus une demi-heure, puis annonçai l'entracte. J'étais encore à jeun et sentais les yeux me dévisager dans l'obscurité. Quelques personnes vinrent me parler. Puis, pendant une accalmie, Lydia Vance s'approcha. Assis à une table, je buvais de la bière. Elle posa les deux mains sur le rebord de la table, se pencha en avant et me regarda. Elle avait de longs cheveux bruns, vraiment longs, un nez proéminent, et l'un de ses yeux jouait les filles de l'air. Mais elle dégageait une impression de vitalité - vous saviez qu'elle était là. Je sentais des vibrations passer entre nous. Certaines étaient confuses, plutôt mauvaises, mais elles étaient là. Elle me regarda, je lui rendis son regard. Lydie Vance portait une veste de cow-girl en daim, avec une frange autour du cou. Sa poitrine était tout à fait acceptable. " J'aimerais arracher cette frange de ta veste ", je lui dis. " On pourrait partir de là ! " Lydia s'éloigna. Ça n'avait pas marché. Je ne savais jamais quoi dire aux dames. Elle avait un cul du tonnerre. Je gardais les yeux fixés sur ce cul merveilleux tandis qu'elle s'en allait. Le fond de son blue-jean le moulait à ravir et je gardai les yeux fixés dessus tandis qu'elle s'en allait.
J'expédiai la seconde partie de la lecture et oubliai Lydia exactement comme j'oubliais les femmes que je croisais dans la rue. Je ramassai mon argent, signai quelques serviettes, quelques bouts de papier, puis partis et rentrai chez moi en voiture..."

2 commentaires:

  1. Le moins réussi de ses romans, d'ailleurs "roman" avec un peu de nuance, en réalité une série de rencontres avec des femmes, rencontres qui commencent et s'achèvent de la même façon ou presque, par contre c'est le tout Bukovsky qui s'étale sur les trois cent pages.

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  2. @ ferrrr

    d'accord
    mais c'est le plus thérapeutique :-)

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Allo !